Par NSOLOTSHI MALANGU, avocat et Chef de Travaux

INTRODUCTION

Plusieurs postes des dirigeants et des représentants en République démocratique du Congo sont pourvus par élections [1] organisées par la commission électorale nationale indépendante (CENI).  Celle-ci assure la régularité du processus électoral et publie les résultats provisoires. Les candidats et partis politiques qui contestent les résultats provisoires annoncés par la CENI, peuvent saisir le juge du contentieux électoral soit pour faire rectifier ces résultats en cas d’erreur, soit pour faire annuler l’élection en vue de la réorganisation d’un nouveau scrutin, s’il y a eu des irrégularités déterminantes.  

L’on constate cependant, une certaine pratique est en vogue en RDC : le juge congolais du contentieux électoral annule les voix et remplace les candidats élus lorsqu’ils sont reprochés d’avoir commis des irrégularités dans le déroulement du scrutin. Il y a lieu de se demander si une telle pratique est légale et rationnelle par rapport au juridique du contentieux électoral en vigueur en République démocratique du Congo.

Cette préoccupation est importante. En effet, dans un pays qui recherche le statut d’Etat de droit et de démocratie, les décisions de contentieux électoraux devraient refléter la légalité et la sincérité des votes c’est-à-dire la volonté du peuple votant. Il serait très inique que la justice nomme des élus politiques contre la volonté du peuple souverain.

Au fait, la décision d’annulation des voix et remplacement des candidats élus pour cause d’irrégularités ne semble pas avoir des soubassements juridiques ni des justifications raisonnables. Pour démontrer cette hypothèse, nous avons interprété la loi électorale et analysé quelques arrêts de contentieux électoral des résultats dans la rigueur des raisonnements juridiques et scientifiques.

Deux points constituent principalement l’ossature de cette réflexion : 1) le régime juridique du contentieux électoral des résultats et 2) l’Analyse de la pratique d’annulation des voix et remplacement des candidats élus pour cause d’irrégularités électorales.

La présente étude est limitée aux seuls contentieux électoraux des résultats, ceux relatifs à la candidature ainsi que les autres contentieux liés au processus électoral ne sont pas abordés ; ils pourront faire objet des réflexions séparées.

CHAPITRE PREMIER :

RÉGIME JURIDIQUE DU CONTENTIEUX ÉLECTORAL DES RÉSULTATS

La République démocratique du Congo institue une administration d’organisation des élections qui est la commission électorale nationale indépendante (CENI). Celle-ci enrôle les électeurs, enregistre les candidats, fixe le jour du vote, veille à la campagne électorale, ouvre les bureaux de vote et reçoit les bulletins des électeurs, dépouille et comptabilise les bulletins de vote et annonce les résultats réalisés par les candidats.

Une fois les résultats proclamés par la CENI, les partis et candidats en compétition peuvent les contester devant la juridiction compétente, sinon, il est publié les résultats définitifs.  Les règles qui régissent le processus de contestation des résultats provisoires publiés par la CENI jusqu’à la proclamation des résultats définitifs par la juridiction compétente, constituent le régime juridique du contentieux électoral des résultats.

Rappelons que le processus électoral peut faire objet des plusieurs formes des contestations : – les contentieux d’enrôlement des électeurs et de listes électorales, – les contentieux des candidatures, – les contentieux des campagnes électorales, – les contentieux des résultats électoraux[2], etc. Outre ces contentieux électoraux, on rattache au processus électoral, les contentieux de déchéances des mandats publics électifs, le contentieux des infractions pénales électorales, le contentieux de constitutionnalité de lois électorales et le contentieux de légalité des décisions de l’administration électorale.[3] La présente étude est consacrée aux seules contestations des résultats provisoires des élections.

Le régime juridique du contentieux électoral des résultats détermine : les personnes habilitées à saisir le juge en contestation des résultats (1), les parties adverses ou celles contre qui la contestation est dirigée (2), la juridiction compétente à laquelle la contestation doit être portée (3), le délai pour introduire la contestation et son point de départ (4), les formalités de demande en contestation devant la juridiction compétente (5), l’objet ou résultat attendu de la demande en contestation des résultats et ses conséquences (6), le déroulement d’instance et le délai d’examen de la requête en contestation des résultats (7),  les recours contre la décision de la juridiction saisie en contestation des résultats (8) et la proclamation des résultats définitifs (9).

I.1. Le demandeur en contestation des résultats de vote :

Selon l’article 73 de la loi électorale telle que modifiée et complétée à ce jour, ne peuvent contester les résultats provisoires des élections présidentielle, législative, provinciale et locales que : « 1. le parti politique ou regroupement politique ayant présenté un candidat ou son mandataire ; 2. Le candidat indépendant ou son mandataire ». Il ressort de cette disposition que seul le parti, le regroupement et le candidat indépendant ayant participé à une élection, peuvent introduire la requête en contestation des résultats provisoires des élections. Sont donc exclus : le candidat sur la liste du parti en compétition ainsi que le parti ou regroupement politique qui n’a pas présenté de candidat à l’élection dont les résultats sont contestés.

La CENI n’a pas intérêt à agir en contentieux parce que le loi lui impose l’obligation de transférer ses décisions contentieuses au juge électoral pour entérinement.

En revanche, nous estimons que pour l’avenir, la loi électorale doit reconnaitre au ministère public le rôle de diriger la police judiciaire électorale ainsi que le pouvoir de demander l’annulation du scrutin pour causes des irrégularités électorales déterminantes.

Par ailleurs, le parti, le regroupement politique ou le candidat indépendant, demandeur en contestation des résultats, peut se faire représenter par un mandataire. En dehors du mandataire statutaire ou légal de la personne morale, le mandataire judiciaire doit être avocat parce que ce dernier a le monopole de représentation de personne en justice. [5]

Lorsqu’il s’agit particulièrement du parti politique, la loi sur l’organisation et fonctionnement des partis politiques exigent que chaque parti soit constitué formellement par des statuts et enregistré au ministère des affaires intérieures.[6] Le parti politique est représenté dans l’accomplissement des actes juridiques par la personne désignée dans ses statuts. Ainsi, pour la recevabilité de la requête en contestation introduite par un parti politique, celui-ci doit être représenté par la personne statutairement habilitée et il doit être annexé à la requête à titre de preuve, les statuts et arrêté d’enregistrement du parti.

Par ailleurs, le regroupement politique étant une association de fait, il suffit pour la recevabilité que sa requête soit introduite par la personne reconnue en fait comme son représentant légal.

Enfin, le demandeur en contestation des résultats de l’élection doit, sous peine d’irrecevabilité, apporter la preuve qu’il a participé à l’élection dont il conteste les résultats en produisant la liste définitive des candidats ou copie de la décision de publication des résultats provisoires reprenant son nom ou sa dénomination.

Le demandeur qui réunit les conditions précitées a d’office intérêt même moral à ce qu’il soit établi la vérité des urnes même si cela ne lui procure pas un intérêt personnel et partisan. Ainsi, dans une élection à un seul siège, le candidat venant en 3ème position sur les résultats provisoires a intérêt moral à ce qu’il soit rétabli la vérité des urnes même si cette démarche ferait que le candidat venant en deuxième position soit proclamé élu.

Le demandeur qui manque aux conditions évoquées ci-haut verra sa requête être déclarée irrecevable pour défaut de qualité et/ou d’intérêt.

I.2. Les défendeurs en contentieux électoral des résultats :

L’on considère généralement que la contestation des résultats provisoires publiés par la CENI est une demande faite au juge de vérifier et sanctionner la régularité du processus électoral ; elle n’est pas formellement dirigée contre le candidat ou parti proclamé provisoirement élu ou encore contre la CENI qui a publié ces résultats. Cependant, ceux-ci ont fondamentalement intérêt personnel, technique ou moralement à défendre les résultats provisoires publiés. Donc, le candidat, parti et regroupements proclamés provisoirement élus ainsi que la CENI qui a organisé l’élection, sont techniquement défendeurs[7] quoiqu’en pratique, l’on considère à tort, la CENI comme « expert ». En réalité, la CENI défend le processus électoral qu’elle a organisé et c’est à ce titre qu’elle oppose au demandeur les moyens de fond et de forme pour faire échouer son action. En cette qualité de défenderesse et partie au procès, la CENI est même fondée à exercer les voies de recours (rectification, appel ou cassation). En revanche, la CENI peut engager sa responsabilité administrative devant le juge administratif du fait des préjudices causés à autrui par un processus électoral dont les résultats ont été reconnus faux par le juge du contentieux électoral.

Dans ce sens, l’article 74 ter dernier alinéa de la loi électorale dispose que : « la requête (en contestation des résultats électoraux) est notifiée au candidat dont l’élection est contestée, au parti politique ou regroupement politique ayant présenté un candidat ainsi qu’à la CENI. Ceux-ci peuvent adresser à la juridiction saisie un mémoire en réponse dans un délai de trois jours après notification. L’absence de mémoire en réponse n’est pas suspensive de la procédure ». Cet article accorde à la CENI et au parti politique ou candidat dont l’élection est contestée, la même qualité et les mêmes droits dans la procédure contentieuse des résultats électoraux.

Il y a lieu de noter qu’il n’est pas nécessaire que la CENI, les candidats et partis défendeurs soient mentionnés comme tels dans la requête en contestation. La CENI comme administration organisatrice d’élection est d’office intéressée moralement et technique à défendre le processus électoral qu’elle a organisé. De même tout candidat, parti ou regroupement politique dont le siège provisoirement obtenu est contesté, est intéressé par la défense car la décision éventuelle à intervenir peut nuire à son intérêt.  Si la requête ne leur est pas signifiée, ils peuvent comparaitre même volontairement en cette qualité des défendeurs (et non comme intervenant volontaire).

Il sied de signaler que si le candidat présenté sur la liste d’un parti ou d’un regroupement politique ne peut être demandeur en contestation, celui-ci est néanmoins qualifié pour être défendeur lorsque son élection est contestée. Cette disposition vise à protéger l’intérêt personnel du candidat même contre son propre parti ou regroupement parce qu’il est possible que les deux intérêts soient en collusion. En effet, un parti peut vouloir faire passer un candidat de sa liste en lieu et place d’un autre candidat proclamé par la CENI.

Si la CENI, le parti, le regroupement ou le candidat défendeur ne comparait pas, le procès n’est point par défaut à son égard car la vérification de la sincérité de vote peut se faire valablement sans leur présence.

I.3. La juridiction compétente pour connaitre de la requête en contestation des résultats

Selon l’article 74 alinéa premier de la loi électorale : « les juridictions compétentes pour connaitre du contentieux des élections sont : 1. la cour constitutionnelle, pour les élections présidentielle et législative ; 2. La cour administrative d’appel, pour les élections provinciales ; 3. Le tribunal administratif, pour les élections urbaines, communales et locales ». Il ressort de cette disposition que :

  • Les contestations des résultats provisoires de l’élection du président de la République et des élections des députés nationaux et sénateurs sont de la compétence de la cour constitutionnelle ;
  • Les contestations des résultats provisoires des élections des députés provinciaux et des gouverneurs de province sont de la compétence de la cour administrative d’appel ;
  • Les contestations des résultats provisoires des élections des conseillers urbains, des maires et maires adjoint, des conseillers de commune, de secteur et de chefferie ainsi que des élections des bourgmestres et chefs de secteurs, sont de la compétence du tribunal administratif

Il se pose la question de savoir si le législateur en définissant les juridictions du contentieux électoral il n’a pas voulu créer un ordre juridictionnel spécial et distinct, de telle sorte que la cour constitutionnelle coiffe directement la cour administrative d’appel en matière de contentieux électoraux[8]. On note à ce sujet que le préambule de loi sur les juridictions de l’ordre administratif [9] consacre le principe selon lequel les juridictions de l’ordre administratif sont compétentes en matière du contentieux électoral autre que les élections présidentielle et législatives nationales, relevant de la compétence de la Cour constitutionnelle. Il en résulte que les contentieux des élections du président de la République, des députés nationaux et des sénateurs relèvent de la cour constitutionnelle. Tandis que les contentieux des élections des députés provinciaux, des gouverneurs, des conseillers urbains, des Maires de ville, des conseillers locaux et des bourgmestres et des chefs de secteurs relèvent de l’ordre juridictionnel administratif coiffé par le conseil d’état. Ainsi, les appels contre les arrêts rendu au premier degré par la cour administrative d’appel en matière des contentieux électoraux des résultats sont de la compétence du conseil d’état.[10]

Toutefois, nous estimons qu’en vertu du caractère obligeant des arrêts de la cour constitutionnelle sur toutes les institutions et juridictions de la République et de l’importance nationale des élections présidentielles et législatives, les arrêts rendus par la cour constitutionnelle en matière électoral s’imposent à toutes les juridictions des contentieux électoraux, y compris le conseil d’état.

Lorsqu’ils statuent sur les contentieux électoraux, la cour constitutionnelle, le conseil d’état, la cour administrative d’appel et le tribunal administratif, siège au nombre de 3 juges au moins avec le concours du ministère public et l’assistance d’un greffier en audience publique (art 74 bis de la loi électoral)

En dehors des juridictions compétentes précitées, toute autre juridiction saisie des contentieux électoraux par voie d’action ou d’exception doit se déclarée incompétente. Il en est ainsi du juge pénal saisi des infractions liées au processus électoral, du juge constitutionnel saisi pour l’inconstitutionnalité de la loi électorale, du juge administratif saisi pour le contrôle de la légalité de la décision de la CENI autre que la proclamation des résultats, ils ne peuvent se prononcer sur la régularité et la sincérité du scrutin.

I.4. Délai pour introduire la requête en contestation des résultats

D’après les termes de l’article 73 de la loi électorale, le candidat, le parti ou le regroupement politique qui veut introduire la requête en contestation des résultats provisoires des élections annoncés par la CENI doit le faire dans les 2 jours à compter de l’annonce des résultats par la CENI lorsqu’il s’agit de l’élection du président de la république  ou dans les 8 jours de cette annonce, s’il s’agit des autres élections (députés nationaux, sénateurs, députés provinciaux, gouverneurs, conseillers urbains, maires, conseillers locaux, bourgmestres ou chefs de secteur). Passé ce délai de 2 ou 8 jours, selon les cas, la requête est irrecevable pour cause de forclusion.

Ce délai d’introduction du contentieux électoral n’est pas qualifié de franc par la loi. En conséquence, le jour de l’annonce des résultats provisoires par la CENI, n’est pas compté tandis que le dernier jour du délai est compté comme celui de l’expiration ; et la requête ne peut plus être reçue le jour suivant. À titre illustratif, si les résultats provisoires de l’élection présidentielle sont annoncés par la CENI le 19 septembre 2022, les deux jours d’introduction de la requête en contestation sont les 20 et le 21 septembre ; la requête sera donc déclarée irrecevable si elle est introduite le 22 septembre ou plus tard. Toutefois, si cette requête est introduite le 19 septembre après l’annonce des résultats provisoires, elle sera quand-même recevable parce que la décision existe déjà juridiquement. Mais si elle est introduite avant le 19 septembre, la requête est irrecevable pour cause de prématurité (ou faute d’objet).

La requête en contestation des résultats provisoires de l’élection est considérée comme introduite au jour de son dépôt au greffe de la juridiction compétente contre récépissé. La date de la rédaction de la requête importe peu.

I.5. Formalités d’introduction de la demande en contestation

Selon l’article 74 ter de la loi électorale, la demande en contestation des résultats provisoires des élections se fait par requête écrite déposée au greffe de la juridiction compétence contre récépissé.

La requête doit être signée et datée ; elle contient :

  • Les éléments d’identification du requérant : noms/dénomination, domicile, résidence ou siège du requérant ;
  • L’indication de l’objet de la demande (ce qu’on attend du juge) et les griefs de chaque chef de demande (les faits constitutifs d’erreurs ou irrégularités dénoncées) ;
  • L’indication des candidats dont les résultats provisoires sont contestés ;
  • L’inventaires des pièces annexées à la requête (il s’agira principalement de : l’arrêté d’enregistrement et les statuts du parti politique, les copies des PV de déroulement de vote, de PV de dépouillement et de PV de compilation, les fiches de résultats et éventuellement les copies de PV de constat des OPJ)

La requête non signée, non datée ou qui n’indique pas l’identité du requérant et son objet est nulle et ne peut produire d’effet. Le juge est justifié de ne pas tenir compte d’une pièce non inventoriée. La requête qui n’indique pas les candidats dont les résultats provisoires sont contestés peut être jugée obscur à moins que celle-ci ait visé l’annulation du scrutin.

Le greffier qui reçoit la requête, l’inscrit dans le registre des contentieux électoraux et lui attribue un numéro rôle (n° RCE). Il délivre sur le champ au requérant ou à son mandataire un récépissé indiquant le numéro rôle du dossier, le numéro d’ordre d’enregistrement de la requête, le nom du requérant, l’élection dont les résultats provisoires sont contestés et sa circonscription électorale. Le récépissé est la preuve du dépôt de la requête ; il peut justifier par la suite le déni de justice et permettre le calcul du délai d’instance.

La requête est notifiée à la CENI, au candidat, au parti ou regroupement politique dont les résultats provisoires sont contestés. S’il s’agit d’une requête en annulation du scrutin, tous les candidats proclamés provisoirement élus doivent être notifiés. La date d’audience est notifiée par toute voie utile au demandeur et aux défendeurs.

L’objet de la requête doit être clair et précis pour éviter toute confusion possible. L’obscurité de libellé de l’objet de la demande équivaut à l’absence d’objet et la requête ne peut être reçue.

I.6. Objet de la demande en contestation des résultats

L’objet d’une demande en justice est ce que le requérant sollicite du juge. Il ressort de l’article 75 de loi électorale que le demandeur en contestation des résultats provisoires d’une élection peut solliciter soit la rectification des résultats annoncés par la CENI soit l’annulation du vote. Cet article   dispose que « si la juridiction saisie admet un recours pour erreur matérielle, elle rectifie le résultat. Elle communique la décision à la CENI. Dans tous les autres cas, elle peut annuler le vote en tout ou en partie lorsque les irrégularités retenues ont pu avoir une influence déterminante sur le résultat du scrutin. S’il n’y a pas appel, un nouveau scrutin est organisé dans les soixante jours de la notification ».

  1. La rectification des résultats

Le demandeur en contestation des résultats provisoires de l’élection peut solliciter du juge de contentieux électoral la rectification des résultats annoncés par la CENI lorsque ceux-ci contiennent des erreurs. La loi parle d’erreur matérielle qui est une inexactitude résultant de l’inadvertance, oublie ou omission. [11] En matière électorale, toute erreur dont la vérité est disponible ou reconstituable à partir des autres documents électoraux, est une erreur matérielle devant entrainer la rectification.

On distingue en matière électorale trois (3) types d’erreurs justifiant la rectification :

  • Les erreurs contenues dans la fiche des résultats consolidés ;
  • et

a) Les erreurs contenues dans la fiche des résultats consolidés :

La fiche des résultats consolidés est censée contenir les résultats des tous les bureaux de vote de l’élection concernée. Cette fiche est différente de la fiche des résultats du bureau de vote sauf s’il s’agit d’une élection à bureau unique (élection des sénateurs, élection des gouverneurs de province, élections des conseillers urbains, élection des maire et élection de bourgmestre ou de chef de secteur).

Pour permettre aux candidats et partis politiques de déceler les erreurs de centralisation et compilation des résultats, il faut que ces résultats soient publiés ou annoncés bureau par bureau ; de la sorte celui qui veut peut revérifier les opérations de calcul.[12] Il est possible que le calcul ou la transcription des résultats de bureaux de vote dans la fiche de compilation ou centralisation, contienne des erreurs de majoration ou de minoration des voix d’un candidat ou parti politique. Le demandeur en contestation peut dans ce cas, démontrer cette erreur en brandissant les fiches des différents bureaux de vote avec le calcul correct à l’appui. Dans ce cas, le juge électoral procède à la vérification et rectification éventuelle des résultats.

Cependant, lorsqu’il s’agit des élections avec un très grand nombre de bureaux de vote (exemple de l’élection présidentielle dont la circonscription est tout le territoire national), la vérification des résultats peut s’avérer une opération très délicate et complexe.

La mesure d’instruction appelée « vérification » ordonnée par le juge électoral, suppose trois (3) opérations essentielles :

  • La vérification de la transcription des données des fiches de bureaux de vote dans la fiche de compilation, centralisation et consolidation. Il faut que cette transcription soit fidèle pour tous les candidats et partis politiques en compétition ; dans le cas contraire, le vérificateur doit (sur sa fiche de vérification) corriger l’erreur en intégrant les vraies données provenant des fiches de bureaux de vote.
  • La vérification des opérations mathématiques (par exemples : l’addition pour déterminer les totaux de voix obtenues par le candidat ou le parti politique, la division pour déterminer le quotient électoral, la soustraction pour déterminer le total des suffrage valablement exprimés après diminution des bulletins invalides ou pour déterminer le reste de voix après attribution de siège par quotient électoral, etc.). En cas d’erreur, le vérificateur opère la correction nécessaire.
  • L’interprétation des données de la vérification pour tirer les conclusions sur l’élection. Il se peut que la correction des erreurs change ou pas l’ordre des candidats ou partis politiques élus. Dans ce cas, Le juge électoral rectifie les résultats et décisions erronés.

Sauf décision contraire du juge électoral, la vérification ne peut pas être générale ; le vérificateur ne peut pas refaire tout le travail accompli par la CENI. Il appartient au demandeur d’indiquer avec précision l’erreur dont il sollicite la correction et apporter les vraies données en prendre en compte.

La vérification doit se faire forcément de manière contradictoire. Doivent être présents ou invités : le vérificateur désigné par le juge électoral, le demandeur, la CENI et le candidat ou parti politique dont les résultats sont contestés.

Le juge électoral ou le vérificateur fera attention aux fiches qui lui sont présentées par le demandeur en contestation parce que celles-ci peuvent être fausses ou falsifiées. En cas de doute, il tiendra compte des fiches de résultats de vote contenu dans les plis transmis par la CENI.

Dans les contentieux électoraux de la députation nationale 2018, la CENI a dénoncé que le regroupement politique « rassemblement de forces politiques et sociales acquises au changement (RASSOP) » avait falsifié les fiches de consolidation des résultats présentées à la cour constitutionnelle. Il y a lieu de regretter que malgré cette grave accusation, la cour constitutionnelle avait accrédité ces fausses fiches et rectifié les résultats provisoires notamment dans l’arrêt RCE 119/370/566/DN, affaire RASOPP et Dynamique de l’opposition contre CENI et MUEMBO NKUMBA Raphaël, relatif à l’élection de la députation nationale 2018 dans la circonscription du territoire de LUBEFU.[13]

b) Les erreurs des fiches des résultats des bureaux de vote :

Le demandeur peut prétendre qu’un ou plusieurs fiches des résultats des bureaux de vote contiennent des chiffres erronés ou falsifiés ne correspondant pas aux nombres de bulletins sortis de l’urne, conformément aux copies des fiches de résultats en sa possession ou aux déclarations de ses témoins politiques. Cela suppose que le demandeur conteste la véracité des fiches de résultats des bureaux de vote établies par la CENI et pense qu’il y a lieu de recompter les bulletins de vote sortis des urnes.   

En effet, le recomptage de voix doit être limitée au cas où le juge estime qu’il n’y a pas lieu de croire aux fiches de résultats transmis par la CENI et que les bulletins de vote sont disponibles et sécurisés. Il en est ainsi par exemple lorsque les copies de fiches des résultats délivrées au demandeur contiennent des résultats différents de ceux des fiches transmises au juge électoral par la CENI. Ce serait encore le cas si ces fiches de résultats transmis au juge contiennent des ratures, sont illisibles ou non remplies et qu’il n’y a pas lieu de reconstituer les résultats par un autre document faisant foi.

De manière générale, ces cas sont généralement rares raison pour laquelle le recomptage des voix est légalement une mesure d’instruction exceptionnelle.

À cet effet, l’article 76 bis de la loi électoral dispose que « le recomptage de voix relevant du pouvoir d’appréciation du juge, est une mesure extraordinaire d’instruction à laquelle le juge peut recourir après avoir épuisé toutes les autres vérifications d’usage. Cette mesure est menée de manière contradictoire par le juge, en présence du ministère public, de la CENI, des partis politiques, des regroupements politiques, des candidats indépendants ou de leurs mandataires ».

c) Les erreurs d’interprétation de lois et règlements :

Lorsque le demandeur estime que les résultats provisoires ne sont pas corrects parce que la CENI a fait une mauvaise application de la loi, il sollicitera du juge la bonne interprétation. Il peut s’agir de l’interprétation de l’un des principes du mode de scrutin : majorité simple, majorité absolue, liste fermée, liste ouverte avec voix préférentielle, principe du plus fort reste, principe du plus âgé, principe du seuil d’éligibilité, etc.

Il peut aussi être question de l’interprétation des règles de définition de bulletin nul, bulletin blanc ou suffrage valablement exprimé, etc.

2. L’annulation de vote

La dernière partie de l’article 75 de la loi électorale prévoit qu’en dehors des cas de rectification des résultats, la juridiction du contentieux électoral « peut annuler le vote lorsque les irrégularités retenues ont pu exercer une influence déterminante sur le résultat du scrutin (et) s’il n’y a pas appel (contre cette décision d’annulation), la CENI organise un nouveau scrutin dans les soixante jours de la notification »

Il ressort de cette disposition que le juge du contentieux électoral ne peut annuler le vote que pour les irrégularités déterminantes dans le processus électoral ; et la conséquence de la décision d’annulation de vote est l’organisation d’un nouveau scrutin total ou partiel, selon que l’élection a été annulée dans tous ou quelques bureaux de vote de la circonscription.

Par irrégularité il faut entendre tout comportement interdit dans le processus électoral par la loi ou par les principes démocratiques des élections. Constituent des irrégularités électorales, notamment :

  • Battre campagne après expiration de la période règlementaire ou le jour du vote ;
  • Empêcher un candidat de faire sa propagande et de faire connaitre ses vues pendant la période de campagne électorale ou l’empêcher d’accéder aux médias ;
  • Empêcher par violence ou ruse les électeurs de voter ou de choisir librement leur candidat ;
  • Faire pression sur les électeurs de voter ou de choisir un candidat déterminé
  • L’absence des dispositifs matériels garantissant le vote, le secret ou la transparence (exemples : absence de machine à voter, de bulletins de vote, de listes électorales, d’isoloirs, d’urne ou compteur transparent le jour du scrutin, …) ;
  • Refuser aux témoins politiques et/ou aux observateurs d’accéder aux bureaux de vote, de dépouillement ou de compilation ;
  • Autoriser le vote des personnes sans qualité d’électeurs ou les votes multiples ; 
  • Soustraire les bulletins de vote exprimés en faveur d’un candidat ou bourrer les urnes en faveur d’un candidat afin d’influencer les résultats ;
  • Fausser ou falsifier les Fiches de résultats par majoration ou minoration des voix des candidats ;
  • Organiser les bureaux fictifs, déplacer ou supprimer injustement les bureaux de vote ;
  • Corrompre directement ou indirectement les agents électoraux. [14]

Notons cependant, que la faible participation des électeurs au vote par leur propre volonté ne constitue pas une irrégularité du scrutin (sauf si cette abstention est imputable à l’autorité de l’Etat, ou au manque de campagne civique menée par CENI). Il en est de même de grand nombre des bulletins nuls ou des bulletins blancs dû à la volonté des électeurs (sauf si cela est imputable à l’autorité de l’Etat ou au manque de campagne civique menée par CENI).

Pour que les irrégularités entrainent la nullité du scrutin, la loi exige qu’elles aient exercé une influence déterminante sur les résultats annoncés ; c’est-à-dire qu’elles aient favorisés les candidats élus à avoir plus de voix pour distancer les autres candidats non élus. De manière simple, le juge raisonne que sans cette irrégularité dénoncée, le candidat déclaré provisoirement élu ne pouvait pas réunir les voix qu’il a eu et occuper l’ordre utile pour être élu. Il en est ainsi par exemple lorsque le score du candidat contesté dans la zone où les irrégularités ont été commises lui ont permis de surclasser ses adversaires et emporter le siège. Si les voix supposées être irrégulièrement obtenues peuvent être soustraites sans que l’ordre d’arrivé et d’élection ne soit perturbé entre candidats ; ces irrégularités ne peuvent pas entrainer la nullité du scrutin.  Il appartient au requérant de démontrer cette corrélation entre les irrégularités décriées et leur influence déterminante sur les résultats annoncés par la CENI ; et c’est au juge électoral d’apprécier en définitive cette incidence.

Selon que les irrégularités déterminantes ont été généralisées sur toute la circonscription ou limitées dans quelques bureaux ou centres de vote bien identifiés, le juge du contentieux électoral ordonnera soit la nullité totale soit la nullité partielle du scrutin. En cas de nullité totale, la CENI réorganise le scrutin sur l’ensemble de la circonscription ; si la nullité est partielle, la CENI réorganise l’élection limitée aux seuls bureaux ou centres dont les résultats ont été influencés. Les résultats d’élection partielle seront ajoutés aux résultats valides du premier scrutins pour proclamer les candidats élus. Ainsi la conséquence logique de la nullité totale ou partielle du vote est l’organisation d’un nouveau scrutin ; il ne peut donc pas être proclamé des candidats élus sur base des résultats partiellement valides lorsque le vote a été annulé même en partie. [15]

On peut donc saluer l’arrêt de la Cour Suprême de Justice, numéro RCE 251 du 14 novembre 2006, Mishon Mafuta contre CEI, relatif au contentieux des résultats de l’élection de la députation nationale de 2006 dans la circonscription électorale de Mweka. Dans cet arrêt, après avoir constaté qu’il y a eu fraude massive organisée par les 3 candidats proclamés provisoirement élus par CENI telle que confirmée notamment par les PV des OPJ détenus par le ministère public, la cour suprême de justice a décidé d’annuler purement et simplement l’élection sans pour autant proclamer qui que ce soit comme candidats élus.[16]

Par ailleurs, l’on s’interroge sur les moyens de preuve des irrégularités du scrutins évoquées en justice et leurs charges d’administration. En pratique, il est retenu que ces irrégularités doivent être prouvées par les PV de déroulement de vote et de dépouillement, les rapports et dénonciations circonstancielles de la CENI et de la police. Parfois, certains juges ont retenu à tort les lettres de dénonciations des partis et personnalités politiques. La charge d’administrer les preuves ou les commencements de preuves des irrégularités électorales, incombe au demandeur en contestation. Celui-ci doit prendre à l’avance, des précautions pour réunir les éléments des preuves des irrégularités électorales. Celles-ci doivent être consignées par les agents de bureaux et centres de vote ainsi que les OPJ dans les Procès-Verbaux subséquents. Copies de ces procès-verbaux sont remis aux témoins des candidats et partis politiques qui les sollicitent. Il peut aussi être tenu compte à titre des preuves, des rapports de missions d’observateurs accrédités par la CENI.

Nous suggérons qu’il soit institué une police judiciaire électorale sous la direction du ministère public dans chaque centre de vote avec mission de constater sur PV les irrégularités électorales flagrantes et de transmettre ces PV au ministère public qui peut à son tour délivrer copie au demandeur en contestation et même solliciter ou soutenir l’annulation de scrutin devant le juge électoral.

Au regard de ce qui précède, faisons observer qu’il est absurde qu’une requête en contestation des résultats sollicite à la fois et la rectification des résultats aux fins de la proclamation de son candidat comme élu et en même temps, l’annulation de vote pour cause d’irrégularités. Car les deux chefs de demande sont naturellement incompatibles. Pareille requête devrait être déclarée irrecevable pour cause d’obscurité de libellée.

Quoique rattachables au processus électoral, la répression des infractions électorales, le contrôle de la constitutionnalité des lois électorales et le contrôle de la légalité des décisions de l’administration électorale, ne peuvent préoccuper le juge du contentieux électoral des résultats. Si des telles demandes lui sont adressées, le juge électoral devrait se déclarer incompétent.

I.7. Déroulement d’instance de contentieux électoral :

L’instance comprend le déroulement du procès depuis la saisine du juge jusqu’au prononcé. Il importe de relever de prime abord que le procès en contentieux électoral est une matière d’urgence ; il ne peut durer plus de 7 jours pour le contentieux de l’élection présidentielle et 2 mois pour les autres élections. Passé ces délais, les résultats provisoires de la CENI doivent être confirmés (art 74 alinéa 2 de la loi électorale telle que modifié en 2022).

Il faut le dire, ce délai quoique justifié par le souci de voir installer rapidement et définitivement les institutions issues des élections, il n’est cependant pas réaliste pour permettre un examen minutieux de dossiers surtout pour les contentieux des élections législatives nationales, puisque ces élections sont organisées dans plusieurs circonscriptions à la fois, il y a des milliers de requête en contestation (cas de 2018) et la cour constitutionnelle qui est la juridiction compétente ne compte que 9 membres.

Il faut donc une certaine discipline dans l’organisation des élections pour éviter trop de contentieux et des manifestations populaires. Il faudra pour cela, une grande transparence dans les opérations de vote, de dépouillement et de compilation des résultats ; la publication des résultats de vote bureau par bureau ; la disponibilisation des fiches de résultats des bureaux de vote pour tous les candidats, l’institution des officiers de police judiciaires électoraux bien formés ainsi que la rigueur de travail dans le chef des juges des contentieux électoraux.

Nous estimons pour notre part que la loi électorale avenir doit limiter la recevabilité de la requête en rectification des résultats aux seuls candidats indépendants, partis et regroupements politiques ayant réalisés au moins un cinquième du quotient électoral selon les résultats provisoires annoncés.  [17]

Le déroulement du procès de contentieux électoral peut se résumer comme suit :

  • La réception et enrôlement de la requête au greffe de la juridiction compétente ;
  • Notification de la requête : après réception et enrôlement de la requête, celle-ci et les pièces jointes sont notifiées à la CENI et aux candidats, partis et regroupements politiques intéressés ;
  • Dépôt des mémoires en réponse : la CENI, les candidats, partis et regroupements politiques notifiés ont 3 jours à compter de la date de la notification, pour déposer leurs mémoires en réponses (art 74 ter dernier alinéa de la loi électoral) ;
  • Communication du dossier au ministère public pour avis : après réception des mémoires en réponses ou à l’expiration du délai de 3 jours pour le dépôt de ces mémoires, un exemplaire du dossier est communiqué au ministère public pour avis à déposer à la juridiction compétente dans 48 heures à compter de la date de la communication.
  • Notification et tenue de l’audience : la date d’audience est notifiée aux parties par toute voie utile ; et à cette audience le requérant, le candidat et parti dont l’élection est contestée, peuvent demander (même verbalement) à être entendu s’ils le souhaitent ; sinon, la parole est donnée au Ministère public et à la CENI pour leur avis, puis l’affaire est prise en délibéré pour le prononcé à intervenir dans le délai d’instance (7 jours ou 2 mois à compter de la réception de la requête, selon les cas). Art 74 quater alinéa 3 de la loi électorale.
  • Le prononcé et la notification de la décision : la décision est prononcée en audience publique puis, notifiée au requérant et aux défendeurs (CENI, candidats, partis et regroupements politiques qui ont conclu au dossier)

Cette procédure est essentiellement écrite.

I.8. Les recours contre la décision du juge du contentieux électoral

1. Recours en rectification d’erreur matérielle ou en interprétation du jugement ou arrêt : Toute juridiction de contentieux électoral peut être saisies pour rectifier une erreur matérielle contenue dans la décision qu’elle a rendue ou pour en donner une interprétation après avoir invité et entendu toutes les parties. La rectification ne peut changer le fond ou le dispositif de la décision déjà rendue sauf correction d’erreur de transcription ou d’inexactitude des chiffres et des calculs. Art 74 quinquies alinéas 4 et 5 loi électorale telle que modifiée en 2022

2. L’appel : il ne peut être interjeté d’appel que contre les jugements du tribunal administratif et les arrêts de la cour administrative d’appel rendu au premier degré. Dans le premier cas, l’appel est formé devant la cour administrative d’appel dans le 3 jours de la signification de la décision et dans le second cas, l’appel est formé devant le conseil d’état dans le même délai. (Art 74 quinquies alinéa 3 de la loi électorale et art 161 de la loi sur les juridictions de l’ordre administratif).

D’aucuns pensent que l’appel contre les arrêts de la cour administrative d’appel siégeant en matière de contentieux électoral des résultats et au premier degré, doit être porté devant la cour constitutionnelle car, la loi électorale établit un ordre spécial des juridictions en matière électoral en retenant trois (3) juridictions : la cour constitutionnelle, la cour administrative d’appel et le tribunal administratif.

En réalité, cette position ne peut être retenue. En effet, la loi sur les juridictions de l’ordre administratif consacre le principe selon lequel les juridictions de l’ordre administratif sont compétentes en matière de contentieux électoral autre que celui des élections présidentielles et législatives nationales relevant de la compétence de la Cour constitutionnelle. D’après l’article 161 de la loi précitée, les appels contre les arrêts rendu au premier degré en matière des contentieux électoraux par la cour administrative d’appel sont de la compétence du conseil d’état. Toutefois, nous estimons qu’en vertu du caractère obligeant des arrêts de la cour constitutionnelle sur toutes les institutions et juridictions de la République et de l’importance première des élections présidentielles et législatives, les arrêts rendus par le juge constitutionnel en matière électoral s’imposent à toutes les juridictions des contentieux électoraux, y compris le conseil d’état. Cela permet de réaliser l’unicité du Droit des contentieux électoraux.

3. Les autres recours : il ne peut y avoir opposition à une décision juridictionnelle en matière de contentieux électoral. Sont tierces, les parties qui n’ont pas conclu et qui n’ont pas été invitées au débat ; celles-ci ne peuvent avoir droit le cas échéant qu’au recours de tierce opposition. Nonobstant le silence du législateur quant à la tierce opposition, l’intérêt de protection de tiers préjudicié milite en faveur de reconnaissance de ce recours et la pratique juridictionnelle congolaise le valide.[18]  De même, la cassation devant le conseil d’état est envisageable contre les décisions juridictionnelles électorales prises en dernier ressort, excepté, les arrêts de la cour constitutionnelle.

I.9. La proclamation des résultats définitifs

La publication des résultats définitifs des élections est de la compétence des juridictions chargées de contentieux électoraux. Si aucune contestation n’a été introduite contre les résultats provisoires annoncés par la CENI dans le délai d’introduction de contentieux (2 ou 8 jours selon qu’il s’agit d’élection présidentielle ou autre), les résultats provisoires sont confirmés comme des résultats définitifs par la juridiction compétente (art 74 ter dernier alinéa de la loi électoral).

Lorsque le juge du contentieux électoral déclare la requête en contestation des résultats irrecevable ou non fondée, il proclame les résultats définitifs si sa décision n’est pas susceptible d’appel. Dans le cas contraire, le juge ne pourra proclamer les résultats définitifs qu’après expiration du délai d’appel. C’est dans ce sens qu’il faudra comprendre les dispositions de l’article 74 dernier alinéa de la loi électorale telle que modifiée en 2022. Ainsi, le juge du tribunal administratif ou de la cour administrative d’appel qui rejette au premier degré la requête en contestation des résultats ou la déclare infondée, ne peut publier immédiatement les résultats définitifs avant l’expiration du délai d’appel, sinon, il viole l’article 74 quinquies alinéa 3 de la loi électorale qui institue le recours d’appel dans le délai de 3 jours à compter de la signification du jugement ou de l’arrêt.

De même lorsque le juge du contentieux électoral a rectifié ou modifié les résultats provisoires annoncés par la CENI, il ne peut publier les résultats définitifs que si sa décision n’est pas susceptible d’appel. Dans le cas contraire, les résultats définitifs ne seront publiés qu’après l’expiration du délai de 3 jours pour interjeter appel (à compter de la signification), sinon les résultats définitifs seront publiés par la juridiction d’appel.

Enfin, lorsque le juge du contentieux électoral a annulé l’élection en tout ou en partie, la décision est signifiée à la CENI qui est tenue de réorganiser l’élection totale ou partielle dans les 60 jours à compter de la notification, à moins que cette décision ne soit anéantie en appel. (Article 75 dernier alinéa de la loi électoral).

CHAPITRE II.

ANALYSE DE LA PRATIQUE D’ANNULATION DES VOIX ET REMPLACEMENT DES CANDIDATS ÉLUS EN CAS DES IRRÉGULARITÉS DU SCRUTIN

Au regard de ce qui a été dit ci-haut, est totalement illégale et irrationnelle, la pratique d’annulation des voix des candidats élus par le juge du contentieux électoral au motif qu’il y a des irrégularités du scrutin et la proclamation des résultats définitifs en faveur des certains candidats.

II.1. Illégalité des décisions d’annulation des voix et remplacement des candidats pour cause d’irrégularités de scrutin

Nous l’avons vu précédemment, la décision du juge du contentieux électoral peut :

1° soit déclarer la demande irrecevable ou non fondée (art 74 dernier alinéa de la loi électoral) ;

2° soit rectifier (ou réformer) les résultats provisoires pour cause d’erreurs et proclamer un ou plusieurs autres candidats comme élus (art 75 alinéa 1er de la loi électorale) ;

3° soit enfin, annuler tout ou partie du scrutin pour cause d’irrégularités et enjoindre à la CENI d’organiser une nouvelle élection pour tous ou quelques bureaux de vote de la circonscription, selon les cas (article 75 alinéa 2 de la loi électorale). 

Il n’existe pas, selon la loi électorale, de possibilité de cumuler ces assertions ou d’inventer un autre type de décision en matière de contentieux électoral congolais.

Est dont illégale, la pratique selon laquelle, le juge du contentieux électoral annule les voix du candidat élu au motif qu’il a commis des irrégularités et proclame comme élu un autre candidat à sa place.

Cette pratique illégale a commencé depuis les contentieux des élections législatives nationales de 2006. Elle s’est amplifiée avec les contentieux des élections législative de 2011 et s’est généralisée avec les contentieux des élections législatives de 2018. (Il y a plus de 30 cas signalés des députés désignés par la cour constitutionnelle en remplacement des candidats élus).

Nous résumons ci-dessous 4 arrêts en guise d’illustrations en rapport avec les contentieux des élections de 2006 et 2011, les arrêts relatifs aux contentieux des élections de 2018 ne sont pas indisponibles.

A) Arrêt de la Cour suprême de Justice, RCE 200 du 6 février 2007, MLC contre CEI, relatif au contentieux électoral de l’élection de la députation nationale 2006 dans la circonscription de LUBEFU. [19]

Dans cet arrêt, la cour a décidé en dispositif qu’elle « annule les résultats provisoires obtenus par les candidats OKUNDJJ NDJOVU Emery et BIASUE MULUKU (et) après vérification des fiches des résultats et des suffrages obtenus par les candidats restants, proclame élu député national de la circonscription électorale de Lubefu : le candidat du MLC OKITODIHE OKODI LOPANGO André avec 3.956 voix ».

Voici les résumés des faits et motifs de cet arrêt. À l’annonce des résultats provisoires des élections des députés nationaux de 2006, la CEI (administration électorale de l’époque) avait provisoirement proclamé Monsieur Okundji Ndjovu Emery (candidat du parti politique FONUS) comme le seul élu du territoire de Lubefu, circonscription où il n’y avait qu’un seul siège pourvu.  

Après cette annonce, le parti politique MLC introduisit le 11 septembre 2006, devant la cour suprême de justice faisant encore office de la cour constitutionnelle qui n’était pas encore installée, une requête en contestation des résultats provisoires proclamant Monsieur OKUNDJI NDJOVU Emery comme élu du territoire de Lubefu. Dans cette requête, le parti politique MLC a sollicité l’annulation des voix obtenues par le candidat OKUNDJI NDJOVU Emery et le candidat BIASUE MULUKU (du parti CDC) ainsi que la proclamation comme élu du candidat du MLC, Monsieur OKITODIHE OKODI LOPANGO André qui avait obtenu (en troisième position) 3.956 voix.

Le requérant MLC justifiait sa demande par les faits qu’il reprochait au candidat OKUNDJI NDJOVU Emery d’avoir assuré les transports des matériels et personnels électoraux, d’avoir corrompu les agents électoraux et facilité la manipulation des résultats. Par la même requête, le demandeur, parti politique MLC, reprochait au candidat BIASUE MULUKU d’avoir par l’entremise du chef de centre de Busubukie, demandé aux présidents des bureaux de vote de soutenir sa candidature.

Se basant sur la lettre de dénonciation du collectif de quelques candidats à cette élection, la cour suprême de justice décida que les irrégularités dénoncées par le requérant MLC étaient fondées et qu’elles avaient influencé les résultats ; et par conséquent la cour annula les voix obtenues par les candidats OKUNDJJ NDJOVU Emery (qui arrivait en tête de voix) et BIASUE MULUKU (qui venait en 2ème position). Constatant ainsi que le candidat du MLC OKITODIHE OKODI LOPANGO André, restait en tête avec 3.956 voix, la cour le proclama comme candidat définitivement élu.

Sans apprécier la pertinence de la motivation de cet arrêt, il y a lieu de constater que la cour suprême de justice aurait dû ordonner l’organisation d’un nouveau scrutin (total ou partiel) après avoir conclu à l’annulation pour cause d’irrégularité. Il y a donc là, une violation flagrante de l’article 75 alinéa 2 de la loi électorale.

Il y a lieu de remarquer en outre que la cour introduisit subtilement la notion d’annulation des résultats de candidats en lieu et place de la notion d’annulation de l’élection. Le vote qui peut être annulé selon les termes de l’article 75 alinéa 2 de la loi électorale, c’est le scrutin ou l’élection et non les voix obtenues par un candidat. C’est pour cette raison que l’article 75 de la loi électorale institue la réorganisation de l’élection comme conséquence logique de l’annulation du vote.

Cet article 75 al 2 de la loi électorale, rappelons-le, prévoit que la juridiction du contentieux électoral « peut annuler le vote lorsque les irrégularités retenues ont pu exercer une influence déterminante sur le résultat du scrutin et s’il n’y a pas appel contre cette décision d’annulation, la CENI organise un nouveau scrutin dans les soixante jours de la notification »

B) Arrêt de la Cours Suprême de Justice, RCE 453/ 731/ 757 du 25 avril 2012, CCU, MSR et PPRD contre CENI, relatif au contentieux électoral de l’élection de la députation nationale 2011 dans la circonscription de Lodja [20]

Dans cet arrêt, la cour suprême de justice a, après avoir déclaré irrecevable les requêtes du MSR et du PPRD, disposé qu’elle « reçoit la requête du parti politique CCU et la dit fondée ; proclame élu en qualité de député national ; Monsieur OWANGA WELO Jean en remplacement de LUWUNDJI OKITASOMBO Alexis ».

Voici en résumé les faits et motivations de la cour. Les partis politiques CCU, MSR et PPRD avaient séparément introduit des requêtes en contestation des résultats provisoires annoncés par la CENI pour l’élection de la députation nationale à Lodja, circonscription électorale comptant 4 sièges aux échéances de 2011.

Ces trois requêtes ont été jointes ; et après examen de la forme, la requête du parti MSR et celle du parti PPRD ont été rejetées.

Les résultats provisoires qui étaient annoncées par la CENI, proclamaient comme élus :

1) LAMBERT MENDE du parti CCU élu avec 37.582 voix ;

2) ONOSUMBA du parti UCP élu avec 17.647 voix ;

3) LUWUNDJI du parti PSDD élu avec 16.017 voix ;

4) ETUMANGELE du parti PDC élu avec 12.979 voix.

En ce 5ème position d’après le nombre de voix, venait la liste du PPRD qui avait 9.640 voix avec à sa tête le candidat OKOTO.

La requérante CCU sollicitait qu’il lui soit accordé un 2ème siège devant bénéficié à son candidat OWANGA WELO Jean qui avait obtenu 1.011 voix parce que selon elle (la CCU), le candidat Lambert MENDE avait obtenu 53.116 voix alors que le quotient électoral pour avoir un siège était de 32.602 voix. La requérante CCU concluait qu’elle avait un plus fort reste de 20.514 voix qui lui donnait droit à un deuxième siège par application du principe du plus fort reste étant donné que la liste venant en deuxième position de UCP n’avait réalisé que 17.647 voix.

Quant à elle, la cour a d’une part, tenu compte du document de reconstitution de résultat au dossier lequel reconnaissait au candidat Lambert MENDE 43.807 voix et a considéré que, après l’attribution du premier siège au parti CCU par quotient électoral de 32.602 voix, le reste serait de 14.047 voix (y compris les voix des autres candidats sur la liste du CCU :1.011voix réalisées par OWANGA WELO Jean, 975 voix par LUNGUNDI et 856 voix par ETEDI).

D’autre part, la cour a considéré que le candidat du parti PSDD, Monsieur LUWUNDJI OKITASOMBO Alexis a commis des irrégularités dénoncées par les présidents de bureaux de vote, les témoins de partis politiques et électeurs lesquelles irrégularités entraineront, selon la cour, « l’invalidation de ce candidat ». Cependant, la cour ne mentionne pas dans l’arrêt en quoi ont consisté les irrégularités sus-évoquées ni le document de référence retenu comme preuve desdites irrégularités. La cour a conclu qu’après annulation des voix du candidat LUWUNDJI, elle le remplace par le deuxième siège du parti CCU et que ce siège est accordé au candidat OWANGA WELO Jean.

Sans pour autant entrer dans le débat d’appréciation de la motivation de cet arrêt de la cour, il s’avère que le juge a retenu la sanction d’annulation des voix du candidat auteur des irrégularités et son remplacement par un autre candidat. Cette position est totalement illégale. En effet, après avoir retenu qu’il y a eu des irrégularités qui ont influencé les résultats provisoires de l’élection ; la cour aurait pu bien dire droit en ordonnant plutôt l’annulation totale ou partielle du scrutin et enjoindre à la CENI d’organiser une nouvelle élection pour tous ou quelques bureaux de vote selon que ces irrégularités avaient impactés tous ou partie des bureaux de vote de la circonscription. 

Cette décision d’annuler les voix du candidat élu pour cause d’irrégularité et de le remplacer par un autre candidat, n’est pas prévue par la loi électorale. Le juge du contentieux électoral n’est pas un juge répressif qui puissent condamner et sanctionner les auteurs des irrégularités électorales. Son rôle est de juger la régularité des opérations de vote et de dépouillement afin de rétablir la vérité des urnes ; et au cas où les irrégularités ne lui permettent pas d’établir les vrais résultats, d’annuler les opérations de vote et de dépouillement afin qu’il soit organisé un nouveau scrutin.   

C) Arrêt de la cour suprême de Justice, RCE 024 du 02 Novembre 2006, en cause Monsieur Joseph LUMBALA MBUYI contre CEI, relatif au contentieux électoral de l’élection de la députation nationale 2006 dans la circonscription de MIABI [21]

Voici le résumé des faits tels qu’ils ressortent de cet arrêt. Le requérant, Monsieur Joseph LUMBALA, avait saisi la cour suprême de justice qui faisait office de la cour constitutionnelle à l’époque pour faire annuler les résultats des 7 bureaux de vote de la circonscription du territoire de MIABI, à l’élection de la députation nationale organisée le 30 juillet 2006. Le requérant évoquait le motif tiré de fait que ses témoins n’ont pas pu accéder à ces bureaux parce qu’un certain Martin KAVULA avait confisqué leurs cartes d’accréditation au profit du candidat provisoirement proclamé élu, Monsieur Roger LUMBALA.

Se basant sur les rapports du chef de centre de vote et PV d’audition de Monsieur KAVULA à l’auditorat supérieur, la cour a jugé la requête fondée et a annulé les résultats de ces 7 bureaux de vote. Ensuite, la cour a calculé les voix obtenues par les candidats dans le reste des bureaux de vote et a constaté que Monsieur Roger LUMBALA (proclamé provisoirement élu par la CEI) n’a eu que 2.541 voix, Monsieur Joseph LUMBALA (requérant) 2.619 voix et Monsieur André Philippe FUTA 1.063 voix. Etant donné que la circonscription n’avait qu’un seul siège pourvu, la cour disposa qu’elle « proclame élu LUMBALA MBUYI Joseph (avec) 2.619 voix ».

En dépit du fait que cet arrêt ne reprend pas les arguments de la CEI et de Monsieur Roger LUMBALA ni même mentionner que ceux-ci auraient fait défaut au débat ; il y a lieu de relever qu’après avoir annulé les résultats de ces 7 bureaux de vote, la cour aurait dû, conformément à l’article 75 alinéa 2 de la loi électorale, ordonner à la CEI d’organiser une nouvelle élection limitée à ces 7 bureaux.     En proclamant élu Monsieur Joseph LUMBALA sur base des résultats partiels de vote, la cour d’une part, violé le principe démocratique d’universalité de vote et d’autre part, elle a injustement privé à plusieurs citoyens congolais de la circonscription, leur droit fondamental.

Rappelons que l’article 75 alinéa 2 de la loi électorale prévoit que la juridiction du contentieux électoral « peut annuler le vote en tout ou en partie lorsque les irrégularités retenues ont pu exercer une influence déterminante sur le résultat du scrutin (et) s’il n’y a pas appel contre cette décision (d’annulation), la CENI organise un nouveau scrutin dans les soixante jours de la notification ».

D) Arrêt de la Cour suprême de Justice, RCE 517 du 25 avril 2012, PCDI contre CENI, relatif au contentieux électoral de l’élection de la députation nationale 2011 dans la circonscription de MBANDAKA [22]

Dans cet arrêt, la cour suprême de justice a décidé qu’elle « annule l’élection du candidat BAENDE ETAFE Jean-Claude en faveur du requérant BOLENGE BOPONDE Gabriel ». Pour la cour, le candidat Jean-Claude BAEDE a commis des irrégularités dans le déroulement de vote et dépouillement notamment : les actes de violences dans les bureaux de vote. La cour a considéré comme preuve de cette irrégularité, les PV de bureaux de vote qui ont fait mention de cet incident, la lettre de dénonciation du président de la CENI adressée au procureur général et la lettre de dénonciation d’un groupe des pygmées. À cause de ces irrégularités, la cour a décidé d’annuler l’élection de Monsieur Jean-Claude BAEDE comme sanction lui infligée pour ses actes. On peut lire dans l’arrêt ce qui suit : la cour « est d’avis que si ces graves irrégularités n’avaient pas été perpétrées, les résultats de ce candidat auraient été différents, en sorte qu’il échet de le sanctionner en l’invalidant en faveur du requérant … ».

Cette décision est donc illégale ; le juge du contentieux électoral n’étant pas un juge pénal, il ne lui appartient pas de punir les auteurs des irrégularités électorales. Après qu’il est constaté que les opérations de vote et de dépouillement ont été émaillées des irrégularités qui ont influencé les résultats, la cour aurait dû annuler carrément l’élection et recommander à la CENI d’organiser un nouveau scrutin. C’est cela qui est conforme à l’article 75 alinéa 2 de la loi électorale.

Il importe de faire observer que la justice électorale doit être une justice d’extrême légalité ; car le juge intervient dans le domaine politique et il participe à la mise en place des organes du pouvoir de l’Etat. Par cette activité délicate, le juge doit à la fois respecter le vote du peuple souverain et la loi en tant qu’expression de la volonté du peuple.

Outre que les décisions d’annulation des voix de candidat élu et leur remplacement sont illégales, il y a lieu de remarquer que ces décisions sont également irrationnelles ou dépourvues de toute raison plausible.  

II.2. Irrationalité des décisions d’annulation des voix et remplacement des candidats élus pour cause d’irrégularités

Du point de vue de la raison, l’annulation des voix et remplacement de candidat élu pour cause d’irrégularités, ne se justifie pas.

Premièrement, le juge du contentieux électoral ne peut pas priver les citoyens de leur droit fondamental de vote. Deuxièmement, en annulant les voix d’un candidat, les autres valeurs électorales considérées dans l’attribution de siège changent injustement (nombre des suffrages valablement exprimés, quotient et majorité électorale). Troisièmement, le juge du contentieux électoral n’est pas répressif pour punir les candidats et les électeurs. Quatrièmement enfin, la régularité des élections est une responsabilité première l’administration électorale (CENI) qui doit en répondre.

En effet, le rôle du juge du contentieux électoral est de contrôler la régularité du processus électoral et faire respecter la volonté des citoyens en recherchant la vérité des urnes. Au cas où le juge électoral se rend compte qu’il y a eu des circonstances qui ne permettent pas de déterminer avec précision le candidat élu, il doit ordonner que les choses recommencent. Le juge du contentieux électoral n’a pas pour rôle de refuser aux citoyens leur droit constitutionnel de vote moins encore de nommer ou désigner les candidats élus.

En écartant les voix obtenues par un candidat ou les voix de quelques bureaux de vote afin de proclamer les résultats en considérant seulement le reste des voix, le juge électoral annule en même temps les votes qui ont été opérés par les citoyens dans ces voix écartées. Pourtant le vote d’un citoyen est un droit fondamental qui ne peut lui être privé que dans les conditions strictement fixées par la loi. Par exemple, si 1.000 citoyens électeurs ont voté 3 candidats (A, B et C) dans cet ordre : A=600voix, B=300voix et C=100voix ; la décision d’annuler les voix obtenues par le candidat élu « A », est lourde de conséquence démocratiquement. D’abord, le juge qui décide ainsi a dénié aux 600 citoyens qui ont élu le candidat « A » leur droit fondamental de vote puisque leur participation n’opère plus. Même s’il était vrai que le candidat « A » n’a plus le droit d’être élu, mais ces citoyens électeurs conservent leur droit de participer au vote. Donc, en annulant les voix d’un candidat, le juge ne sanctionne pas seulement le candidat mais aussi les citoyens qui l’ont élu.

Ensuite, en annulant les voix du candidat « A » dans l’exemple précité et en choisissant le candidat « B » comme élu, il est clair que « B » qui n’a obtenu que 300voix sur 1.000 citoyens électeurs, n’a pas la majorité démocratique et par conséquent « B » devient un élu illégitime. Il faudra alors changer injustement le total des suffrages valablement exprimés (de 1000 à 400) et le quotient électoral pour justifier l’élection du candidat « B ».  Pourtant cela n’est pas le rôle du juge du contentieux électoral : il constate les valeurs électorales mais il ne les crée pas. Dans ces conditions, le candidat « B » peut être considéré comme un élu judiciaire. Pareil système ne peut être prospéré dans un pays qui se veut un Etat de droit et démocratique.

En démocratie, l’élection doit obéir au principe de l’universalité, qui veut que tous les électeurs remplissant les conditions soient invités au vote et que toutes les bulletins sortis de l’urne soient pris en compte (à l’exception des bulletins nuls et des bulletins blancs).

Par ailleurs, le juge du contentieux électoral n’est pas un juge pénal chargé de punir les auteurs des infractions. Son rôle est de contrôler la régularité du processus de vote et rétablir la vérité des urnes. À ce titre, le juge du contentieux électoral n’a pas droit d’annuler les voix du candidat élu à titre de peine contre les irrégularités que celui-ci aurait commises.

Au demeurant, il faut remarquer que les irrégularités qui entachent un scrutin affecte objectivement le processus ; elles ne vicient pas seulement les voix du candidat X ou Y même si celui-ci est auteur de ces irrégularités. Par exemple, lorsqu’un candidat fait pression sur les électeurs au jour du vote pour le choisir, ce n’est pas toujours évident que ces électeurs l’ont tous choisi réellement dans l’isoloir. Même lorsqu’il peut y avoir bourrage d’urne, ce n’est pas facile de savoir exactement combien de voix ont été ajoutées et combien ont été régulières. Dès lors, les irrégularités quel qu’en soit l’auteur, corrompent le processus de vote ; il est donc normal que le scrutin d’un ou plusieurs bureaux soit annulé et non les voix obtenues par tel ou tel autre candidat.  

Ainsi, lorsqu’il est prouvé que l’élection a été émaillé des irrégularités sans lesquelles l’ordre d’élection serait différent, la solution est d’une part d’annuler et réorganiser l’élection en veillant que ces irrégularités ne reviennent plus et d’autre part de trainer les auteurs de ces irrégularités devant le juge répressif compétent pour qu’ils en soient punis.

Enfin, il importe de faire remarquer que sur le plan électoral, la responsabilité d’empêcher les irrégularités des élections incombe à l’administration électorale (CENI). Il lui appartient de mettre tout en œuvre pour éviter les irrégularités majeures pouvant influencées significativement les résultats des élections.

À ce sujet, l’article 211 de la constitution en vigueur dispose que « il est institué une Commission électorale nationale indépendante dotée de la personnalité juridique. La Commission électorale nationale indépendante est chargée de l’organisation du processus électoral, … Elle (la CENI) assure la régularité du processus électoral et référendaire ».

L’article 3 de la loi organique n° 10/013 du 28 juillet 2010 portant organisation et fonctionnement de la Commission Électorale Nationale Indépendante telle que modifiée et complétée par la loi organique n° 13/012 du 19 avril 2013 et la Loi organique n° 21/012 du 03 juillet 2021 renchérit que « la CENI est chargée de l’organisation de tout processus électoral et référendaire. Elle en assure la régularité ».

Pour réaliser cette régularité du processus électoral, la CENI a non seulement les moyens à sa disposition mais elle bénéficie encore de la collaboration de tous les services de l’Etat (art 7 de la même loi précitée). Ainsi, les irrégularités enregistrées dans l’organisation des élections doivent être assumées par la CENI qui peut même d’office décider de la réorganisation de l’élection.

Si la CENI valide une élection par la publication des résultats de vote, le juge électoral qui constate le contraire et qui est convaincu des irrégularités déterminantes, doit annuler le processus électoral à charge de la CENI. Voilà pourquoi il doit lui enjoindre d’assumer ses responsabilités en réorganisant le scrutin. Certains diront que la réorganisation d’élection sera couteuse pour la CENI et donc pour l’Etat ; mais c’est exactement pour cette raison qu’elle doit tout mettre en œuvre pour éviter les irrégularités majeures pouvant bouleverser l’ordre d’élection des candidats et entacher la crédibilité du scrutin.

CONCLUSION

Le contentieux électoral des résultats donne lieu à 3 types de décisions alternatives que peuvent prendre le juge : 1) l’irrecevabilité ou non fondement de la requête en contestation ; 2) la rectification des résultats pour cause d’erreurs et 3) l’annulation de l’élection entachée des irrégularités déterminantes pour organiser un nouveau scrutin total ou partiel. Le juge ne peut ni cumuler ces décisions ni en inventer une autre catégorie.

Sont donc totalement illégales et irrationnelles, les décisions du juge du contentieux électoral annulant les voix du candidat proclamé provisoirement élu par la CENI pour le remplacer par un autre candidat au motif que celui-là a commis des irrégularités déterminantes.

Lorsque l’organisation d’un scrutin est entachée d’irrégularité faisant douter l’ordre d’élection des candidats, le juge du contentieux électoral annule le vote pour les bureaux dans lesquelles ces irrégularités ont été constatées et enjoins à la CENI d’organiser un nouveau scrutin total ou partiel, selon les cas.

La pratique qui consiste à annuler les voix et remplacer les candidats élus parce qu’ils ont commis des irrégularités, constitue une violation de droit fondamental de vote au profit des citoyens, une modification injustifiée des suffrages, une usurpation du rôle du juge répressif et un allégement de responsabilité de l’administration électorale sur la régularité des élections.

Cette pratique est donc complètement illégale et irrationnelle.

Ainsi, il y a lieu de recommander aux plaideurs qui rédigent les requêtes en contestation des résultats de vote, d’éviter la formule consistant à solliciter simultanément l’annulation des voix des candidats élus pour cause d’irrégularités et la proclamation d’autres candidats comme élus.    

Pour leur part, les juridictions de contentieux électoral des résultats devraient éviter la pratique d’annulation des voix et remplacement de candidats élus pour cause des irrégularités électorales.

Enfin, le législateur congolais quant à lui, ferait œuvre utile en renforçant les dispositions de l’article 75 de la loi électorale par un troisième alinéa qui porterait expressément que « l’annulation des voix et remplacement des candidats élus à titre sanction contre les irrégularités électorales, est strictement interdite ».

BIBLIOGRAPHIE

  1. CONSTITUTION DE LA RDC du 18 février 2006
  2. LOI ÉLECTORALE : Loi n°06/006 du 9 mars 2006 portant organisation des élections présidentielles, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locale ; telle que modifiée par la loi n°11/003 du 25 juin 2011, loi n°15/001 du 12 février 2015, la loi n°17/013 du 24 décembre 2017 et la loi n°22/029 du 2ç juin 2022 ;
  3. LOI ORGANIQUE n° 10/013 du 28 juillet 2010 portant organisation et fonctionnement de la Commission Électorale Nationale Indépendante telle que modifiée et complétée par la Loi organique n° 13/012 du 19 avril 2013 et la Loi organique n° 21/012 du 03 juillet 2021
  4. GUIDE ÉLECTORAL Tome III « référencement jurisprudentiel de 2006 à 2018 » ; programme d’appui de l’OIF au contentieux électoral en RDC
  5. JURISPRUDENCE- Cour Suprême de Justice Tome I, Contentieux électoral, Collection Juridoc, Kinshasa 2011
  6. COUR CONSTITUTIONNELLE, RCE 119/370/566/DN du 14 mai 2019, affaire RASOPP et Dynamique de l’Opposition (D.O) contre CENI et MUEMBO NKUMBA, relatif à l’élection de la députation nationale 2018 dans la circonscription du territoire de LUBEFU, inédit
  7. Emery MUKENDI WAFWANA, Contentieux Électoral dans la pratique de la Cour Suprême de Justice faisant office de la Cour constitutionnelle, collection Juridoc, Kinshasa, 2011
  8. CONSEIL DE L’EUROPE, Droit électoral, Strasbourg, le 3 juillet 2013, p.18 en ligne :

www.eods.eu/library/VC.Electoral%20Law_FR.pdf

La déclaration de l’union interparlementaire sur la « les critères pour des élections libres et régulières », Adoptée à l’unanimité par le Conseil interparlementaire lors de sa 154ème session à Paris, 26 mars 1994 ; document en ligne : https://www.ipu.org/fr/notre-impact/des-parlements-plus-forts/notre-action-normative/declaration-sur-les-criteres-pour-des-elections-libres-et-regulieres


[1] Il s’agit des élections du Président de la République, des députés nationaux, des sénateurs, des députés provinciaux, des gouverneurs et vice-gouverneurs de province, des conseillers urbains, des Maires et Maires-Adjoints, des conseillers locaux et des Bourgmestres et chefs de secteurs

[2] EISA, élections présidentielles, législatives et provinciales en RDC-2018, Guide pratique des contentieux électoraux, Kinshasa, page 5 ; document en ligne : www.eisa.org/pdf/drc2018context.pdf  

[3] Éric-Adol T. Gatsi, Heurs et malheurs du contentieux électoral en Afrique : étude comparée du droit électoral processuel africain, article en ligne sur www.erudit.org/fr/revues/cd1/2019-v60-n4-cd05038/1066347ar/

[5] L’article 6 ORDONNANCE-LOI 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du barreau : « sans préjudice des dispositions relatives aux défenseurs judiciaires et aux mandataires de l’État, nul ne peut, s’il n’est avocat, assister ou représenter les parties, postuler, conclure et plaider pour autrui devant les juridictions, sauf dans les cas et selon les modes prévus par la loi »

[6] Arts 12 et 15 de la Loi n° 04/002 DU 15 mars 2004 portant organisation et fonctionnement des partis politiques

[7] C’est que retient également M. Éric-Adol T. Gatsi, Heurs et malheurs du contentieux électoral en Afrique : étude comparée du droit électoral processuel africain, paragraphe 65, article en ligne sur www.erudit.org/fr/revues/cd1/2019-v60-n4-cd05038/1066347ar/

[8] C’est qu’affirme certains auteurs, lire par exemple : EISA, élections présidentielles, législatives et provinciales en RDC-2018, Guide pratique des contentieux électoraux, Kinshasa, page 16; document en ligne : www.eisa.org/pdf/drc2018context.pdf

[9] Loi organique n° 16-027 du 15 octobre 2016 portant organisation, compétence et fonctionnement des juridictions de l’ordre administratif

[10] Lire utilement l’article 161 de la Loi organique n° 16-027 du 15 octobre 2016 portant organisation, compétence et fonctionnement des juridictions de l’ordre administratif

[11]https://justice.ooreka.fr/astuce/voir/499379/erreur-de-jugement#:~:text=L’erreur%20ou%20omission%20mat%C3%A9rielle,ou%20de%20r%C3%A9parer%20l’omission

[12] L’article 71 alinéa 4 de la loi électorale telle que modifiée et complétée par la loi n°22/029 du 29 juin 2022 dispose que « les résultats provisoires publiés sont affichés bureau de vote par bureau de vote dans les locaux de la CENI et dans son site internet ».

[13] Arrêt inédit

[14] Lire la déclaration de l’union interparlementaire sur la « les critères pour des élections libres et régulières », Adoptée à l’unanimité par le Conseil interparlementaire lors de sa 154ème session
à Paris, 26 mars 1994 ; document en ligne :
https://www.ipu.org/fr/notre-impact/des-parlements-plus-forts/notre-action-normative/declaration-sur-les-criteres-pour-des-elections-libres-et-regulieres

[15] Conseil de l’Europe, Droit électoral, Strasbourg, le 3 juillet 2013, pp. 18 et 37 ; document en ligne www.eods.eu/library/VC.Electoral%20Law_FR.pdf

[16] Arrêt repris dans Guide électoral Tome III « référencement jurisprudentiel de 2006 à 2018 » ; programme d’appui de l’OIF au contentieux électoral en RDC, pp.168 et 169

[17] Nous proposons une proportion d’un cinquième du quotient électoral

[18] CSJ RCE /DN/KN/360 du 23 février 2007, Aff. Pascal Kamba Mandungu, in Guide électoral Tome III « référencement jurisprudentiel de 2006 à 2018 » ; programme d’appui de l’OIF au contentieux électoral en RDC, pp. 164 et 164

[19] Guide électoral Tome III « référencement jurisprudentiel de 2006 à 2018 » ; programme d’appui de l’OIF au contentieux électoral en RDC, p172

[20] Guide électoral Tome III « référencement jurisprudentiel de 2006 à 2018 » ; programme d’appui de l’OIF au contentieux électoral en RDC, p264

[21] Juricongo, Jurisprudence de la cour suprême de Justice, Tome I, contentieux électoral, Kinshasa 2011, pp. 144 et 145

[22] Guide électoral Tome III « référencement jurisprudentiel de 2006 à 2018 » ; programme d’appui de l’OIF au contentieux électoral en RDC, p267

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NSOLOTSHI

Jurisconsultes, Avocat, Enseignant de Droit au niveau supérieur et universitaire et auteurs de plusieurs ouvrages et articles scientifique de Droit. Administrateur de la plate-forme jurisconsultes-rdc et du site internet www.jurisconsultes-rdc.net.

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